Alors qu’on en comptait près de 4 millions en 1963, c’est aujourd’hui moins d’1 million d’agriculteurs qui se bat en France pour tenter de sauver une profession en crise. La situation est économiquement et humainement catastrophique.
L’agriculture n’est pourtant pas un secteur marchand comme un autre et la crise actuelle de l’élevage doit nous inciter à repenser totalement une profession bien particulière. L’Etat a bien sûr un rôle à jouer pour garantir un revenu minimum à des femmes et des hommes pris dans l’engrenage d’une politique de prix toujours plus bas pour eux et de marges toujours plus élevées pour les distributeurs.
Malheureusement, cette volonté apparait aujourd’hui presque paradoxale quand nous n’avons eu de cesse, ces dernières années de diminuer le pouvoir de régulation de l’Etat et des instances européennes en matière agricole. Comment aujourd’hui les pouvoirs publics pourraient-ils agir sur le niveau des prix autrement que par des mesures court termistes qui ne font que repousser les échéances lorsque dans le même temps, l’Union européenne revient sur les dernières barrières protectionnistes? La suppression des quotas laitiers, entrée en vigueur en avril 2015 est l’exemple flagrant de cette dérégulation imposée par la commission européenne. Cela fait deux ans que les instituts laitiers préviennent pourtant de la faiblesse de la demande internationale qui fera chuter les prix si des quotas de productions ne sont pas maintenus ! Mais encore une fois, les dogmes libéraux l’ont emporté sur le bon sens.
A cela s’ajoute également une mutation progressive du modèle français vers un type d’agriculture spécialisé, industrialisé et tourné vers l’export. Sous couvert de mondialisation et de conquête des marchés extérieurs, les instances de la PAC ont encouragé cette industrialisation excessive de nos exploitations agricoles. Pourtant à quoi bon produire des porcs ou du lait en masse quand les prix ne compensent même pas les coûts d’élevage et que dans le même temps nous importons les mêmes produits en provenance de pays qui pratiquent un moins disant social et environnemental décomplexé ? Nous en voyons aujourd’hui les conséquences avec la chute des prix. Malheureusement les seules solutions proposées pour compenser cette baisse passent systématiquement par une augmentation de la production, donc de l’investissement, donc de l’endettement, donc du temps de travail….sans parler des problèmes écologiques. Bref une fuite en avant sans fin pour transformer nos paysans en quelques centaines d’industriels, au détriment de la qualité des produits, du bien-être animal, et au final de l’attractivité de nos territoires ruraux, qui n’ont pourtant pas besoin de cela !
A cette crise structurelle s’ajoute enfin la difficulté qu’ont les producteurs à s’organiser pour négocier le prix d’achat de leur production avec les transformateurs et les distributeurs. Là encore nous voyons qu’en l’absence d’arbitrage public, c’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer, les producteurs n’ayant malheureusement pas le poids nécessaire pour négocier un prix juste qui leur permette de vivre dignement.
C’est donc un véritable défi qui attend le pays. Cette nouvelle crise doit être un déclencheur et nous donner l’opportunité de changer profondément de paradigme. Pour qu’enfin les éleveurs puissent vivre normalement de leur travail, il est à la fois indispensable d’engager une véritable mutation de notre modèle agricole mais aussi que nous puissions redonner à l’Etat et aux institutions européennes les moyens de corriger les déséquilibres des marchés. Rude tâche au vu des orientations prises tout au long de ces dernières décennies !
1 Commentaire
En 50 ans 4 fois moins de paysans(si on peut les appeler toujours comme ça ?). Et pendant ce temps les safer réservent les petites parcelles aux plus gros exploitants et “oublient” les demandes des primo- installants,pourtant prioritaires!!! Et qui aujourd’hui essaient de diversifier le métier et de lui donner une dimension humaine,plus indépendante ,plus réactive et capable de répondre aux attentes des consommateurs dans de meilleures conditions sanitaires entre autres. !!