En fin de semaine dernière, quatre députés de gauche publiaient dans les colonnes de “Libération” un appel à la constitution d’un nouveau groupe parlementaire “rouge-rose-vert” pour lutter contre les politiques d’austérité et lancer les prémisses d’une refondation de leur camp politique. Philippe Noguès, député du Morbihan qui a quitté le PS il y a quelques mois, revient pour “Marianne” sur les origines de cette démarche et ses objectifs.
Marianne : Comment en êtes-vous arrivé à envisager de créer un groupe anti-austérité « rouge-rose-vert » à l’Assemblée ?
Philippe Noguès : Une fois que j’ai quitté le Parti socialiste, je me suis retrouvé seul pendant quelques semaines. Ce qui n’était pas un mal en soi. La solitude, en politique comme dans la vie, permet de faire le point, de réfléchir à ce que l’on veut. Par la suite, j’ai été contacté par l’ensemble, je crois, des formations de gauche existantes et celles qui sont actuellement en construction et qui souhaitaient que je les rejoigne. J’ai reçu par exemple un SMS de la part de Cécile Duflot dans cette optique, mais je pense qu’elle voulait surtout renforcer le groupe écologiste à l’Assemblée nationale. Or, ce n’était pas du tout ma position. Je n’avais pas quitté le PS pour retomber dans de simples mécaniques partisanes. Puis, j’ai eu l’occasion de rencontrer Isabelle Attard (députée du Calvados, ex-Nouvelle donne et membre du groupe écologiste, ndlr) un peu avant les vacances d’été. Elle était, elle aussi, en pleine réflexion sur la nécessité d’une refondation de la gauche, de trouver une alternative aux partis tels qu’ils existent actuellement car ils n’arrivent plus à créer les dynamiques nécessaires pour mobiliser les citoyens. A ces discussions, d’autres députés se sont joints à nous comme Sergio Coronado. Nous avons essayé d’élargir encore ces échanges en créant des passerelles avec d’autres députés. A la rentrée, Isabelle Attard, Sergio Coronado,Noël Mamère et moi avons décidé de nous revoir et, lors d’un déjeuner, nous avons décidé de faire cet appel commun. Noël Mamère, pour les raisons qui sont les siennes, a décidé de ne pas être signataire. En même temps, Jacqueline Fraysse qui appartient au groupe communiste a souhaité participer à notre démarche. Une preuve de plus que cette réflexion touche l’ensemble des sensibilités. Notre idée étant de servir d’électrochoc à l’ensemble des députés de gauche qui ne souscrivent pas aux politiques gouvernementales que nous subissons et qui pensent que la gauche doit se réinventer. Une refondation qui doit intervenir dès à présent et non pas après 2017. Nous pensons que la constitution d’un groupe de députés peut servir de tête de proue à ce mouvement de refondation.
Où en êtes-vous dans votre démarche ? Avez-vous réussi à rassembler suffisamment d’élus pour constituer un groupe ?
Il est trop tôt pour en faire le bilan, il faut attendre encore. Créer un nouveau groupe parlementaire constitué de députés qui n’appartiennent pas à un même parti n’est pas une évidence en soi. Ce qui est sûr, c’est que les chefs de file de gauche n’ont pas répondu positivement à cet appel comme par exemple du côté des frondeurs comme Christian Paul qui a clairement exprimé qu’il ne quitterait pas le groupe parlementaire socialiste. Ceci dit, un certain nombre dans son courant m’ont discrètement signifié qu’ils n’étaient pas insensibles à la démarche et qu’ils se laissaient du temps pour se décider… Chez les Verts, il y a une partie du groupe écolo qui regarde ça avec attention. Quant aux communistes, nous avions un rendez-vous prévu avec André Chassaigne mais il a fallu finalement le reporter. Ces deux semaines qui nous séparent de la rentrée de la session ordinaire vont être décisives, notre objectif initial étant de créer ce nouveau groupe début octobre.
Quels sont les indices qui vous poussent à penser qu’une refondation de la gauche est possible ?
Je pense que la population, que ce soit en France ou en Europe, est prête et même plus. Elle attend ce mouvement de refondation de la gauche. Regardez ce qui se passe en Angleterre avec l’investiture de Jeremy Corbyn à la tête du Labour. Au moment même où le PS se « macronise », la gauche anglaise se décide enfin à sortir du blairisme. Il y a eu la Grèce, l’Espagne et, plus proche de nous, il suffit d’observer le dynamisme des mouvements citoyens qui se constituent sur le terrain. Donc oui, la volonté est bien là. En ce moment, il se passe quelque chose, on le sent bien. Il reste maintenant à saisir l’opportunité et faire en sorte que ces dynamiques s’organisent. Et à s’entendre sur les méthodes, elles sont multiples…
Justement, à l’occasion des prochaines régionales, une partie du Front de gauche et une partie des écolos poursuivent, tout en associant la société civile, un rapprochement déjà opéré lors des départementales. Il y a aussi l’exemple de Grenoble. Que pensez-vous de cette méthode ? Est-ce la bonne ?
Tout ce qui peut aller dans cette direction, je regarde évidemment ça avec sympathie. Sauf que j’observe qu’il s’agit plutôt d’une addition des forces que d’une réelle refondation. Quant à Grenoble, si on peut évidement citer cet exemple, il faudrait tirer un premier bilan de cette expérience, voir comment se passe ce travail en commun.
Si jamais la gauche ne parvient pas à se refonder, à quoi s’expose-t-elle selon vous ?
Je crois que la gauche et toutes les valeurs qu’elle peut porter, tout ça est voué à disparaître des écrans radars prochainement si elle continue dans cette voie que l’on appelle le blairisme, le macronisme ou le vallsisme, je ne sais comment la nommer… Et dans cette disparition, François Hollande et son gouvernement portent évidemment une énorme responsabilité avec ce virage social-libérale. C’est une ligne qui devait être la sienne depuis longtemps mais qu’il n’osait pas assumer. Alors que la gauche devrait être à l’heure de la prise en compte des nécessités environnementales et, inversement, que les mesures environnementales devraient prendre en compte le social, elle ne le fait pas. Si l’on poursuit le chemin qui est actuellement tracé, on se dirige tout droit vers une disparition du socle des valeurs de la gauche qu’elle portait jusqu’à présent et une fonte de la gauche dans une sorte de social-libéralisme où le social n’a plus vraiment sa place. La gauche est face à une situation critique historique. Elle est, je crois, arrivée au bout d’un chemin, et face à ce chemin il y a une rivière. Soit nous décidons de nous jeter à l’eau pour rejoindre l’autre rive et continuer notre route, en réinventant la gauche de demain, soit nous stagnons, attendant que le temps fasse son œuvre et nous finirons par disparaître…
http://www.marianne.net/philippe-nogues-gauche-est-face-situation-critique-historique-100236828.html
1 Commentaire
Mon cher Philippe,
Que de satisfactions à te lire et à imaginer un vrai avenir pour une gauche refondée. Je ne peux que cautionner sans faille toutes les actions que tu entreprends et tous les contacts que tu as pris.
A ce sujet, as-tu envisagé un contact avec Strauss Kahn ? Je considère qu’aujourd’hui il peut constituer une voie d’espoir et un élément fédérateur §