Mon intervention contre le cumul des mandats

J’intervenais ce matin dans la discussion générale sur le projet de loi contre le cumul des mandats.

 

VERBATIM

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Monsieur le Président de la Commission des Lois, monsieur le rapporteur, chers collègues,

Vous me pardonnerez ce manque d’humilité. Je vais vous parler de moi !

Je suis entré en politique tardivement, après une longue carrière professionnelle en entreprise. Pendant de longues années, j’ai observé ce monde de l’extérieur avec  une réelle attirance, pour ce que je percevais de la politique, du combat des idées, des discussions autour de l’organisation de la cité… Et pourtant, dans le même temps, déjà je percevais malheureusement cette rupture de plus en plus marquée entre les citoyens et les élus.

Et puis, malgré tout,  en 2008, j’ai franchi une première étape en intégrant une équipe pour les municipales et surtout en acceptant un poste d’adjoint au maire. J’avais mis la main dans l’engrenage…ou allais-je m’arrêter ? J’avais la conviction, sûrement comme beaucoup d’autres avant moi, qu’il était possible d’agir au moins localement.

Cette passion de la politique grandissant, j’ai rapidement souhaité aller plus loin dans cet engagement. Les législatives de 2012 approchaient et la question me taraudait : pourquoi un citoyen lambda, après une carrière professionnelle « normale » ne pourrait-il pas utiliser les compétences acquises et consacrer quelques années de sa vie à l’intérêt général, à la politique nationale ?

Je suis intimement persuadé que les Français se réconcilieront avec des élus dont ils pourront identifier clairement  le mandat, dont ils ne percevront pas surtout l’appartenance à une caste, dont ils reconnaîtront l’honnêteté et le sens de l’intérêt général.

Et puis, je le dis parce que c’est un fait, et c’est comme cela que ce sera perçu, la question du cumul avec des mandats exécutifs locaux ne peut pas éteindre complètement le sujet ! Quelle cohérence pour le citoyen qui voit un adjoint ou un maire d’une petite commune interdits de cumul, alors que le conseiller général (ou départemental demain)  ou le conseiller régional aura, lui, la possibilité d’être en même temps député  ou sénateur ? Nous aurons demain des députés à mandat unique et d’autres qui continueront à cumuler avec un mandat de Conseiller Général ou de Conseiller Régional …Comment expliquer aux électeurs que les deux passent autant de temps, ou d’énergie, dans leur rôle de député ? …ou dans celui de Conseiller Général ?

Le rôle des élus qui composent le Parlement est de représenter le peuple français, de légiférer et de contrôler l’action du Gouvernement : l’Assemblée nationale et le Sénat sont le cœur de notre démocratie et méritent que les parlementaires s’y consacrent pleinement. L’exercice d’un mandat local ne m’apparait absolument pas indispensable à l’exercice du mandat de parlementaire. J’en ai donc tiré les conclusions en démissionnant de mon mandat d’adjoint. Et aujourd’hui, député à part entière, je nourris ma réflexion législative de mes échanges locaux. Je ne cumule pas et, croyez-moi, jamais je ne me suis senti coupé du terrain !

L’enjeu du mandat unique, renforcé par la limitation, que je soutiens, à 3 mandats consécutifs, serait également de permettre le renouvellement des élus à chaque niveau territorial. L’attente légitime de représentants d’horizons divers, à l’image de la diversité des électeurs dont ils reçoivent mandat, trouverait une  réponse dans cette évolution législative qui permettrait de donner un nouveau souffle aux instances démocratiques et à la relation qu’entretiennent les citoyens avec le fonctionnement de la République.

Nul n’est irremplaçable…. si la règle est la même pour tous. Parmi nos concitoyens beaucoup seraient prêts à s’investir, à s’engager, à mettre leurs compétences au service de la collectivité…si on leur en laissait le loisir ! Alors oui, mais tout le monde sera d’accord, il faudra ensuite trouver les moyens de mettre en place ce fameux statut de l’élu que tout le monde réclame et qui sera déterminant pour attirer des compétences vers la politique.

Nul n’est irremplaçable ! La nature a horreur du vide. J’entends l’argument « L’histoire est souvent marquée par celles de nos grands hommes (sous-entendu cumulards), sans doute !….. mais la vie aurait continué sans eux, parce qu’alors, un autre se serait levé pour prendre la place !

Et bien donnons une chance à la vie, laissons venir à la Politique, avec un grand P, tous ceux qui montreront leur volonté, leur sens de l’intérêt général…. et leurs compétences !

En conclusion, chers collègues, je ne suis pas naïf, je sais bien que des transitions trop brutales pourraient avoir, dans certains cas, des conséquences politiques difficiles. Même si je regrette, vous l’avez compris, que nous n’allions pas, cette fois, au bout de la démarche, je voterai évidemment ce texte car il est bien déjà là le ferment d’un changement des mentalités : le non cumul c’est bien le sens de l’histoire…et l’avenir nous le démontrera.

3 Commentaires

    • Michelle Gréco sur 4 juillet 2013 à 18h45
    • Répondre

    Bravo Monsieur le Député, toi qui a eu l’audace avant les autres de t’appliquer le non cumul.

    • le crom pascal sur 5 juillet 2013 à 0h21
    • Répondre

    bien Philippe c’est bien comme sa que je vois un député libre de sa parole et fidèle de ces idées amitié

    • James Pédron sur 8 juillet 2013 à 11h59
    • Répondre

    Je soutiens les idées que vous avez exprimées avec simplicité et sincérité, que ce soit sur la crédibilité des élus (tenir un mandat et le faire pleinement / rester proche du terrain sans pour autant avoir un mandat local) ou la proposition d’ouvrir les assemblées à la société civile, de faire le pari que la diversité des parcours apportera autant, différemment, que des élus qui font carrière dans la politique.

    Que vos idées soient entendues et rendues possibles !

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