Droit d’information des salariés : halte aux guerres idéologiques !
Tribune parue dans le journal Les Echos signée par 58 députés
Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel, une partie du patronat a lancé une offensive contre une disposition essentielle du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, dont nous débattrons dans les prochaines semaines.
S’opposer à la disposition ouvrant aux salariés des PME un droit d’information en cas de projet de cession de leur entreprise revient à leur refuser la possibilité de disposer non seulement d’une information essentielle pour l’avenir de leur emploi, mais également du délai nécessaire à l’éventuelle formalisation d’une offre de reprise.
Chaque année, plus de 50.000 emplois sont perdus dans des entreprises saines qui ne trouvent pas de repreneur. Le plus souvent, les concurrents de ces entreprises sont intéressés par leur marché mais pas par leurs salariés. Ce sont des pans entiers de notre économie qui sont ainsi fragilisés. La disparition de PME et TPE, et d’abord dans l’artisanat et le commerce, fragilise et précarise des bassins de vie, notamment dans les petites villes des zones rurales et du péri-urbain, causant chômage et désespérance sociale. Contre cet état de fait, tout n’a pas été essayé, et c’est le mérite du projet présenté par Benoît Hamon au nom du gouvernement que de s’y attaquer.
Il s’agit d’accorder aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés, qui ne peuvent s’appuyer sur les instances représentatives du personnel, les mêmes droits qu’aux salariés des plus grandes entreprises qui en bénéficient. Elle leur permettra aussi de disposer du temps et de l’information nécessaires pour élaborer, le cas échéant, une offre de reprise afin qu’elle soit prise en compte. Ni plus, ni moins.
C’est pourquoi les oppositions de nature idéologique sont regrettables et peuvent être dépassées si l’on s’en tient aux enjeux : préserver l’emploi, créer de la valeur ajoutée dans tous les territoires, transmettre les savoir-faire et les métiers. Le droit d’information est pour nous un point de départ dans ce débat ; les textes européens nous obligent d’ailleurs à l’instaurer plus largement.
Que les salariés, dont l’emploi est en jeu et dont l’attachement à l’entreprise est évident, soient informés officiellement, deux mois avant, du souhait d’un entrepreneur de passer la main est une chance supplémentaire de reprise, donc de poursuite de l’activité. Il s’agit du droit à l’information pour, le cas échéant, bâtir une offre salariale parmi d’autres ; il s’agit d’une option, non d’une « préemption » ni d’une « obligation ».
Le patronat institutionnel serait mieux inspiré de s’appuyer sur la réalité de la vie des entreprises en constatant – comme nous le faisons dans les régions – le nombre important de reprises réussies chaque année par la transformation en SCOP, plutôt que de s’enfermer dans une logique d’arrière-garde.
Ce projet de loi, avec cette disposition et les autres qu’il contient, offre des possibilités nouvelles aux salariés comme aux entrepreneurs. Il est une corde de plus à l’arc pour l’emploi et la croissance durable, qui ajoutera sa force aux emplois d’avenir, aux contrats de génération, à la loi de sécurisation de l’emploi, à la mobilisation pour répondre aux emplois non pourvus, à la banque publique d’investissement, aux 12 filières stratégiques, aux 34 plans industriels, au CICE. Comme l’ensemble de ces outils pour sortir de la crise et préparer la reprise, nous soutiendrons fortement la loi pour l’économie sociale et solidaire.
58 députés :Jean-Louis BRICOUT, Olivier DUSSOPT, Christophe LEONARD, Jean-Claude PEREZ, Jean-Paul DUPRE, Avi ASSOULY, Laurence DUMONT, Kheira BOUZIANE, Michel VERGNIER, Germinal PEIRO, Barbara ROMAGNAN, Gwenegan BUI, Richard FERRAND, Franck MONTAUGE, Gisèle BIEMOURET, Frédéric ROIG, Sébastien DENAJA, Fanny DOMBRE COSTE, Anne-Yvonne LE DAIN, Jean-René MARSAC, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Patrick GILLE, Jean-Pierre DUFAU, Denys ROBILIARD, Régis JUANICO, Marc GOUA, Luc BELOT, Stéphane TRAVERT, Chaynesse KHIROUNI, Dominique POTIER, Philippe NOGUES, Audrey LINKENHELD, Michel LEFAIT, Serge JANQUIN, Philippe KEMEL, Christine PIRES BEAUNE, Colette CAPDEVIELLE, Sylviane ALAUX, Nathalie CHABANNE, Yves BLEIN, Thomas THEVENOUD, Brigitte BOURGUIGNON, Seybah DAGOMA, Guillaume BACHELAY, Dominique CHAUVEL, Estelle GRELIER, Catherine TROALLIC, Olivier FAURE, Jean-Philippe MALLÉ, Geneviève GAILLARD, Pascale BOISTARD, Linda GOURJADE, Michel POUZOL, Razzy HAMMADI, Mathieu HANOTIN, Gérard SEBAOUN, Arnaud LEROY, Boinali SAID. 19 sénateurs :Marc DAUNIS, Yves CHASTAN, Roland COURTEAU, Alain FAUCONNIER, Bernadette BOURZAI, Claude BERIT-DEBAT, Martial BOURQUIN, Jean-Jacques MIRASSOU, Jean GERMAIN, Yannick VAUGRENARD, Jean-Pierre GODEFROY, Anne EMERY DUMAS, Delphine BATAILLE, Catherine GENISSON, Frédérique ESPAGNAC, Christiane DEMONTES, Claude DILAIN, Michel VERGOZ, Thani Mohamed SOILIHI.
1 Commentaire
Sans avoir de position idéologique, il est tout de même permis de rappeler des vérités comme celle-ci : L’entreprise est faite, oui, pour gagner de l’argent. Et celles qui n’en gagnent pas meurent. (cf, le mot du président Pompidou : l’insécurité c’est la vie, il n’y a de sécurité que dans la mort qu’il s’agisse des individus, des affaires ou des Etats). Et les salariés des entreprises ont tous intérêt à ce qu’elles gagnent effectivement de l’argent (certes, pour les actionnaires, mais aussi pour permettre aux employés de toucher les salaires, juste rétribution de leur travail).
Opposer les sociétés coopératives n’a pas de sens, celles-ci étant dans la même obligation, pour ne pas mourir, d’équilibrer leurs comptes. et si elles ne font pas de bénéfice elles réinvestissent ceux-ci dans l’outil de production. Le modèle marche effectivement bien pour des productions agricoles, il est beaucoup plus difficile à construire et faire fonctionner pour des industries demandant de fortes immobilisations de capitaux et inutile pour des entreprises en nom personnel.
De même que la responsabilité sociale (ou sociétale) de l’entreprise c’est d’être rentable économiquement, ce qui permet de faire vivre notamment ses salariés et ses fournisseurs. C’est bien à la sphère publique de s’occuper de l’environnement sociétal des entreprises. Celles-ci comme les particuliers payent des impôts pour cela. La responsabilité est une valeur individuelle de chaque homme dans l’entreprise et non pas partagée collectivement par tous. Voilà ce que pensent sans aucune idéologie beaucoup de patron de PME qui font vivre de nombreuses familles grâce à l’entreprenariat dont ils font preuve.
Antoine PIchon.