Le projet de loi Biodiversité a été adopté mercredi soir dans l’Hémicycle après plus de deux ans de travaux parlementaires qui nous ont permis d’enrichir considérablement le texte. Première grande loi sur la nature depuis celle de 1976, la loi Biodiversité contient des avancées importantes pour la préservation de l’environnement, même si, malheureusement une fois de plus, le poids de certains lobbys en fait aussi un peu une loi des occasions manquées.
Ainsi, la taxation de l’huile de palme ne verra pas le jour. Alors que les conséquences de cette culture sur la faune et la flore locale sont dramatiques, le gouvernement est revenu sur un amendement écologiste qui était pourtant passé au Sénat. L’huile de palme étant présente dans de nombreux produits, les lobbys industriels sortent vainqueurs de cette passe d’arme législative.
De même la droite sénatoriale, toujours sensible aux « pressions amicales » de certains intérêts particuliers, a réussi à faire supprimer du texte de nombreux dispositifs en faveur de la condition animale : sanctions en cas d’actes de cruauté sur les animaux sauvages, interdiction de la chasse à la glu et de la chasse en période de reproduction, interdiction de la chasse de nuit.
Sur le dossier brûlant des néonicotinoïdes, dont les scientifiques ont démontré les effets catastrophiques sur la mortalité des pollinisateurs, mais aussi plus largement sur l’environnement et la santé, on peut considérer qu’il s’agit d’une avancée réelle obtenue par les députés avec un soutien massif de la population. Ces molécules seront interdites à partir du 1er septembre 2018 pour l’ensemble des cultures agricoles. Mais là encore les lobbys concernés ont obtenu des possibilités de dérogations jusqu’à 2020. Deux années de trop pour les abeilles !
Néanmoins, ce texte permet d’acter la nécessité de préserver la biodiversité en gravant dans le marbre législatif un cadre de protection de la nature.
Une Agence française pour la biodiversité (AFB) doit voir le jour le 1er janvier 2017, pour coordonner les politiques en faveur des milieux naturels, conseiller les élus et les aménageurs et exercer une police de l’environnement. Elle regroupera les 1 200 agents de quatre structures déjà existantes : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et les Parcs nationaux de France. Mais son poids et sa force de frappe seront amoindris par la faible représentation des agences de la biodiversité terrestre, et notamment l’absence de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui, avant même l’examen de la loi, avait obtenu de François Hollande l’assurance qu’il garderait son indépendance, et celle de l’Office national des forêts. Regrettable !
Avancée incontestable : l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil dans le sillage de la jurisprudence née de la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika de Total en 1999 au large de la Bretagne. Ce préjudice écologique reprend l’idée d’une remise en état du milieu dégradé par celui qui en est jugé responsable, selon le principe du « pollueur-payeur ». Si une telle réparation en nature est impossible, des dommages et intérêts pourront être versés dans certains cas. Le délai de prescription sera de dix ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice.
La loi inscrit aussi plusieurs principes dans le code de l’environnement, comme celui de « non-régression de la protection de l’environnement », selon lequel la protection des écosystèmes ne peut faire l’objet que d’une « amélioration constante », ou celui « d’absence de perte nette de biodiversité » qui assignera aux mesures de compensation des atteintes à l’environnement une obligation de résultats. Elle introduit également le principe de « solidarité écologique » qui appelle à prendre en compte dans les prises de décision publique les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels. La loi entérine ainsi le triptyque « éviter, réduire, compenser », qui s’applique à tout aménageur dont le projet entraîne des dégradations écologiques.
Malgré des défauts importants et une certaine frustration quant au rôle des lobbys qui ont bridé l’ambition de ce texte, j’ai décidé de voter cette loi “pour la reconquête de la biodiversité” , qui constitue globalement une avancée pour la protection de la nature et de notre environnement. Reste à la mettre en application. De ce point de vue, tout dépendra du contenu des décrets d’application et des moyens financiers qui seront réellement mobilisés. Nous devrons y être particulièrement attentifs !