L’Assemblée nationale débat cette semaine du projet de loi relatif à l’Économie Sociale et Solidaire. Avec 10 % du PIB, 2,4 millions de salariés, des millions de bénévoles, des adhérents et des sociétaires qui se comptent par dizaines de millions, l’économie sociale et solidaire est un secteur clé pour l’économie de notre pays mais aussi pour ses territoires, où elle apporte à la fois du lien social et des emplois, des emplois d’ailleurs très souvent non délocalisables. Dans la dernière décennie, les entreprises de l’ESS ont créé 440 000 emplois, soit une hausse de 23 %, alors que l’emploi dans le secteur privé « classique » a crû de 7 % en moyenne.
Au nom de la Commission du Développement Durable et de l’aménagement du territoire, je me suis exprimé hier dans l’hémicycle en introduction au débat. Retrouvez ci-dessous mon intervention, en texte et en vidéo, ainsi que toutes les informations concernant ce projet de loi sur le site de l’Assemblée nationale.
Verbatim :
Le texte que nous examinons aujourd’hui marque une étape importante dans le développement de l’économie sociale et solidaire. Le nombre de commissions saisies pour avis témoigne de la mobilisation des parlementaires autour de cet objectif. Un tel engouement a cependant nécessité un travail de coordination important et chronophage, mais salutaire et constructif ; je veux saluer à cet égard l’implication de notre rapporteur, M. Yves Blein.
En tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’insisterai sur le lien entre ESS et développement économique durable. « Produire autrement », « entreprendre utile », « consommer différemment » sont autant de préoccupations qui entrent directement en résonance avec le périmètre de notre commission. Je suis convaincu que l’ESS peut et doit permettre à notre économie de concilier davantage démocratie sociale, développement durable et compétitivité.
Parce qu’il inclut dans la définition de l’utilité sociale figurant à l’article 2 le développement durable, le texte reconnaît le rôle joué par les « entrepreneurs sociaux de la transition écologique », qu’il s’agisse des producteurs d’énergies renouvelables ou des agriculteurs biologiques ancrés dans les territoires ou des acteurs de l’économie circulaire. Je me félicite vivement de cette inclusion.
Le texte comprend également des dispositions relatives au secteur spécifique des déchets, un secteur crucial pour les politiques environnementales des collectivités territoriales. En complétant les cahiers des charges des éco-organismes pour favoriser le recours aux entreprises solidaires d’utilité sociale, le projet de loi s’inscrit dans la parfaite continuité des conférences environnementales de 2012 et de 2013 et de leur promotion d’une économie circulaire.
La commission du développement durable s’est longuement interrogée sur les conditions de mise en œuvre par les acteurs de l’ESS des dispositions de la loi « Grenelle II » en matière de responsabilité sociale et environnementale. Du fait des valeurs qu’elle porte et des modes d’entreprendre qui lui sont propres, l’ESS est par nature sensible à cette notion de responsabilité sociale et environnementale.
L’intégralité des sociétés cotées, ainsi que les sociétés non cotées réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros ou employant plus de 500 salariés doivent, depuis la loi « Grenelle II », publier un rapport dit « extra-financier ». Bien que ne relevant pas du code de commerce, les coopératives au sens de la loi de 1947, les coopératives agricoles, les sociétés d’assurance mutuelles et les mutuelles entrent dans le champ du dispositif, tout comme les établissements de crédit. Le présent projet de loi permet, grâce à plusieurs amendements déposés au Sénat et à l’Assemblée nationale, d’aligner sur le droit commun les conditions applicables aux acteurs de l’ESS. Ce projet de loi met ainsi fin à une inégalité de traitement qui conduisait les acteurs de l’ESS à être soumis à des critères de seuil plus durs que ceux qui s’appliquaient aux entreprises relevant du code du commerce.
Cette même égalité de traitement suppose cependant d’aligner par ailleurs les conditions de vérification des rapports extra-financiers des acteurs de l’ESS sur celles des entreprises classiques, c’est-à-dire de les faire contrôler par un organisme tiers indépendant ; dans la plupart des cas, le commissaire aux comptes accrédité par le COFRAC, comité français d’accréditation. On peut souligner l’intérêt de ce dispositif : c’est un gage de crédibilité, de transparence, et c’est une condition du développement d’un secteur financier socialement responsable. Ne serait-il pas en effet paradoxal que le niveau d’exigence applicable aux entreprises classiques soit supérieur à celui des acteurs historiques de l’ESS, qui sont porteurs de valeurs qui, je crois, les obligent à l’exemplarité et les rendent bien souvent plus socialement responsables que les autres ?
L’effort d’harmonisation a été effectué en grande partie lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques. Toutefois, les mutuelles restent pour l’heure exclues du dispositif de vérification des données par un tiers indépendant. Je souhaite donc, au nom de la commission du développement durable, que nous débattions à nouveau ensemble de cette question. Je défendrai par conséquent un amendement visant à inclure les mutuelles dans le dispositif.
J’ai également noté que l’article 50 de ce texte vise, et j’en suis ravi, à mieux encadrer les allégations relatives aux propriétés sociales et équitables d’un produit, et donc à améliorer l’information et la protection des consommateurs. Toujours dans le but de promouvoir la responsabilité sociale et environnementale, et considérant que le consommateur est en droit d’attendre que les produits qu’il achète soient fabriqués dans des conditions éthiques et humainement acceptables, je vous proposerai un amendement allant dans ce sens.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est également penchée sur la question du développement territorial de l’ESS. Je n’ai malheureusement pas le temps de développer en détail les avancées du texte en la matière, mais nous y reviendrons dans l’examen des articles. Je citerai simplement la reconnaissance des pôles territoriaux de coopération économique, le rehaussement du plafond d’investissement des collectivités territoriales dans les sociétés coopératives d’investissement collectif, et le rôle accru confié aux régions. Certains points restent en suspens, mais nous aurons l’occasion de poursuivre le travail dans le cadre de la réforme territoriale.
Enfin, la commission du développement durable se félicite que la définition juridique de la notion de commerce équitable soit actualisée : la dimension nord-nord vient ainsi s’ajouter à la dimension nord-sud, qui était seule prise en compte jusqu’à présent. Je salue à ce titre mon collègue Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et me félicite que nos deux commissions aient pu travailler en étroite collaboration sur cette question dans un esprit de concertation avec les acteurs concernés. Nous vous proposerons conjointement de préciser à nouveau la rédaction de l’article 50 bis.
Pour conclure, je tiens à saluer la qualité du travail qui a été effectué pour l’élaboration puis l’examen de ce projet de loi. Je veux notamment témoigner de l’ampleur et de la qualité de la concertation qui a présidé à nos travaux autour de ce texte. C’est grâce à cet effort de concertation intense qu’il a reçu un accueil favorable de la plupart des acteurs du secteur. Je vous appellerai donc naturellement, au terme de nos débats, à l’adopter.