Discours du 1er mai 2015 – Repas républicain Inzinzac-Lochrist –
C’est avec un immense plaisir que je vous accueille ce soir ici à Inzinzac-Lochrist, à la Charpenterie, pour ce repas républicain. Je ne vais pas revenir en détail sur l’annulation pour la deuxième année consécutive de la Fête de la Rose. Sinon pour dire que dans la période difficile que traverse l’ensemble de la gauche, cette décision apparait comme un message politique de renoncement, de repli sur soi, et je le regrette profondément.
Bien évidemment les positions que j’exprime régulièrement sur la politique économique et sociale du gouvernement ont encore une fois servi de prétexte pour justifier cette annulation. Et bien la meilleure des réponses c’est votre présence ici ce soir. Au final nous transformons une petite manœuvre politicienne en une magnifique occasion de réunir la gauche, toute la gauche, et tous ceux qui veulent que ça change ! Parce que, je veux le répéter encore une fois ce soir « Sans rassemblement de toutes ses sensibilités, la gauche court à la catastrophe ! »
Dans cette salle aujourd’hui- et je le sais pour m’être particulièrement investi dans l’organisation de ce repas républicain- des socialistes, des écologistes, des membres du Front de gauche, du Parti radical de gauche, de Nouvelle Donne, et beaucoup de citoyens « non encartés » qui refusent de laisser le terrain à la droite ou pire à l’extrême droite et aux populistes. Et, de ce point de vue, il se passe quelque chose d’important ce soir à Inzinzac-Lochrist, pour la gauche morbihannaise !
Alors on me dit « n’affichons pas nos débats internes ». On l’écrit même : je cite « Si nous devons avoir des débats, c’est en interne au PS ou au sein du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, pas sur les tréteaux d’un meeting politique ouvert au grand public »….Bref restons entre nous, replions nous sur nos certitudes et tout ira pour le mieux ! Mais est ce que nous vivons vraiment dans le même monde ? Est-ce qu’il est encore possible de penser que les citoyens, le « grand public » comme on dit, ne serait pas assez grand, pas assez informé, pas assez responsable, pour qu’il soit nécessaire de le tenir à l’écart des grands débats sur son propre avenir ? Je crois au contraire que la transparence est une qualité et une nécessité et que tous les citoyens, tous les électeurs, y ont droit !
Je suis socialiste. Je défends des orientations qui sont basées sur des valeurs et des convictions. Je ne renoncerai pas. Je veux continuer à porter l’espoir et je continuerai à me battre pour cela.
Me battre en interne évidemment au Parti socialiste dans les semaines à venir puisque, et je m’adresse ici plus particulièrement à mes camarades socialistes, le Congrès qui se clôturera à Poitiers début juin s’annonce comme la dernière opportunité de pouvoir infléchir une politique qui si elle reste sur cette ligne nous entrainera à une catastrophe politique annoncée en 2017. Et pas seulement le Parti socialiste, mais toute la gauche ! Il nous reste 2 ans pour faire gagner la gauche, et ce n’est pas beaucoup ! Les militants socialistes auront dans ce Congrès une responsabilité particulière…la dernière occasion de faire entendre leur voix et de dire quelle gauche ils veulent vraiment.
Je défends une motion « A gauche pour gagner » qui reprend des thèmes sur lesquels, avec plusieurs de mes collègues députés, dits frondeurs, nous nous sommes battus à l’Assemblée nationale depuis plusieurs mois. La surprise, c’est que la principale motion concurrente, défendue par la quasi-totalité des ministres du gouvernement, reprend une grande partie de ces thèmes…qu’ils ont pourtant dénoncés et combattus dans cette même période. Alors je le dis aux militants socialistes : si nous adoptons des textes dont chacun sait qu’ils seront oubliés le lendemain du Congrès, alors nous porterons une lourde responsabilité pour l’avenir du Parti socialiste, pour l’avenir de la gauche.
Réussir le congrès, c’est définir des engagements pour le PS marquant notre ancrage à gauche, le refus du social-libéralisme, et pas seulement dans les mots d’une motion de congrès !
Réussir le congrès, c’est dire ce que l’on va faire jusqu’en 2017 et faire ce que l’on aura dit.
Tout le reste est simulacre de débats inutiles. Si nous ne sommes pas au rendez-vous, si nous préférons le confort des ajustements de façade, alors nous encouragerons la défiance envers les socialistes, envers la politique en général.
Au contraire, si notre message est clair, alors le Congrès de Poitiers sera un congrès utile pour nous-mêmes et ceux que nous voulons représenter.
Mais comme la vie politique ne se résume pas aux débats internes du PS, (je veux rassurer ici toutes les autres composantes de la gauche morbihannaise ! ) je veux aussi œuvrer au niveau national, et ici dans le Morbihan, pour que le nécessaire, l’indispensable, l’incontournable rassemblement de toute la gauche puisse ne pas être simplement un lointain souvenir, d’un temps où nous portions l’espoir d’une autre société, plus juste, plus égalitaire. Et je crois, moi que c’est possible et la présence ce soir de toutes les composantes de la gauche morbihannaise le montre, à défaut de le démontrer ! Cela doit nous inciter à persévérer, à avoir la volonté de dépasser nos différences pour pouvoir réfléchir ensemble au monde actuel et à celui qui demain sera celui de nos enfants. Si nous ne sommes pas capables de cet effort collectif, alors nous serons de toute façon tous perdants.
Et ce qui doit nous rassembler en premier lieu c’est bien la conscience commune de la gravité de l’état du pays, économique bien sûr, social forcément, écologique incontestablement !
Nous avons été élus sur un programme en 2012 qui n’était sans doute pas l’idéal pour toute la gauche, mais qui avait l’immense mérite de nous rassembler sur un certain nombre de mesures qui devaient permettre d’engager le pays vers des mutations indispensables, à la fois économiques, sociales, environnementales, et cela en s’appuyant sur des valeurs de justice et d’égalité. C’était la réforme fiscale, la réforme bancaire, l’amélioration des conditions de vie des classes populaires et des classes moyennes, la transition énergétique, la réorientation des politiques européennes….Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Qui pourrait affirmer « Les Français vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ?
Les fractures françaises aujourd’hui, si nous ne savons pas les guérir, annoncent des temps glaciaires. La carte de France de la progression du Front national vient de s’aggraver, alors que nous sommes au pouvoir depuis presque 3 ans. Et ce n’est pas seulement la carte de nos défaites locales, mais celle de l’affaiblissement de la France, de son industrie et de sa ruralité. C’est la carte des abandons de la République, de la pauvreté et du chômage de masse. Que faisons-nous ?
Nous n’agissons pas à la mesure du drame français, celui des vies précaires, des emplois détruits sans que d’autres les remplacent. Nous ne parlons plus à ceux que nous devons défendre, et qui dès lors, se détournent de nous. On me parle souvent de loyauté, mais la seule loyauté que je reconnais, moi, c’est celle que nous devons à nos idéaux et à nos électeurs !
Si nous avons été un certain nombre de députés à « fronder », cela n’a jamais été de gaité de cœur ! La division ne vient pas de nous, mais du fait qu’on demande à des députés de gauche de voter des mesures contraires à leurs valeurs et à leurs engagements. Dès que le gouvernement a proposé un texte nous semblant aller dans le bon sens nous avons été les premiers mobilisés pour le voter. Je pense notamment à la loi sur la refondation de l’Ecole, à la loi Consommation, à la loi sur l’économie sociale et solidaire, à la création de la Banque Publique d’investissement, au Mariage pour tous, à la loi sur le Devoir de vigilance des multinationales, la loi sur la biodiversité, la loi Santé…et bien d’autres.
Mais, quand on nous demande brutalement, sans la moindre discussion, d’accepter une politique économique qui nous apparait à la fois injuste pour beaucoup de nos concitoyens et en plus inefficace, quand on nous demande au milieu d’un texte fourre-tout de voter à la fois l’extension du travail du dimanche, des ordonnances pour permettre au gouvernement de légiférer sur des questions environnementales ou sur des modifications du code du travail …alors nous jouons notre rôle de parlementaires et nous défendons des amendements auxquels nous croyons. Si nous nous sommes opposés à certains textes de loi c’est aussi parce qu’à aucun moment le compromis n’a été recherché par l’exécutif.
Alors maintenant les choses sont simples ! Nous sommes au pouvoir depuis 3 ans, le compte à rebours est largement engagé.
Mais j’ai envie de vous dire d’abord : Notre pays a tous les avantages et tous les talents pour stopper le déclin. Ceux des ouvriers et des chercheurs, des pôles d’excellence et de nos piliers industriels, ceux des créateurs et des bâtisseurs. Alors pourquoi ça ne marche pas ? Ça ne marche pas parce que le pays est dans bien des endroits démoralisé, que le cap fixé ne peut être simplement un récit comptable ou autoritaire du redressement du pays. Les Français sont fatigués de l’impuissance, et nous aussi. Il ne suffit pas de parler de réformes, qui viennent d’ailleurs et qui n’arrivent jamais. Il faut parler au pays de vision d’avenir, de conquérir plus de justice, de transformer la société française avec elle-même, pas sans elle, pas contre elle !
J’entends la pensée unique, propagée par des éditorialistes qui s’auto persuadent quotidiennement à force d’incantations plus que de preuves, qui affirme qu’il n’y aurait pas d’alternative.
Mais j’entends aussi depuis des mois le constat implacable des économistes, ceux que nous adorions quand nous étions dans l’opposition, mais qui sont oubliés quand nous sommes au pouvoir, Thomas Piketty, Daniel Cohen et bien d’autres : sans efforts massifs d’investissements en France et en Europe, pas de salut collectif.
J’ai écouté aussi les syndicats et même des chefs d’entreprises qui ne sont pas tous formatés par les éléments de langage du Medef…et je peux en témoigner moi qui siège à la plateforme pour la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises
Oui nous avons un débat capital de politique économique ! Pas pour le plaisir des chiffres, pour la réussite de la France. Sans un soutien massif aux investissements privés et publics, et en particulier ceux des collectivités locales, la demande ne repartira pas. Je reçois quotidiennement des dirigeants de PME ou de TPE. Ils ne viennent pas me demander, contrairement à ce qu’on nous affirme chaque jour, des abaissements de cotisations ! Non ce qu’ils veulent, eux, c’est remplir leurs carnets de commandes ! Et la baisse des investissements publics est de ce point de vue une catastrophe pour beaucoup d’entre eux.
Ce débat engage évidemment notre réussite, il engage aussi notre identité ! Faire payer aux Français un pacte de responsabilité qui ne marche pas, c’est un virage illégitime et je veux le redire encore une fois ici ! Pour redonner confiance aux Français, la politique spectacle a peu de poids. Il faut de la justice et des résultats !
Le temps perdu nous ne le rattraperons pas. Mais quatre défaites électorales ne suffisent-elles pas ? Les résultats des élections départementales récentes ont pourtant une fois de plus démontré le fossé qui s’est installé entre politiques et citoyens : un Français sur deux ne s’est pas déplacé – et sans doute encore plus parmi les électeurs de gauche -, le FN renforce son maillage territorial, celui du PS et de la gauche se délite et la droite, mécaniquement, engrange même si c’est sans véritable enthousiasme.
Comment ne pas comprendre le désarroi des électeurs de gauche qui voient les promesses s’envoler et ceux qu’ils ont élu en 2012 prôner des solutions qu’ils condamnaient pourtant fermement avant leur élection ?
Il est donc urgent de vigoureusement corriger le cap. Sans vous faire ici un catalogue de mesures, et en allant à l’essentiel, il apparait urgent de fixer un agenda des réformes sur les 15 mois utiles jusqu’en 2017, et notamment :
• Recentrer la politique d’aide aux entreprises pour la rendre réellement efficace et porteuse d’emploi. Et le faire vers les entreprises qui en ont réellement besoin, et notamment les PME et les TPE qui innovent, qui embauchent. Et pas vers Total ou la grande distribution ! Tout a été dit. Mais je redis l’urgence du redéploiement de la moitié des 40 milliards du pacte de responsabilité vers les investissements publics et le pouvoir d’achat des ménages si nous ne voulons pas continuer dans cette gabegie d’argent public et si nous voulons une politique économique juste et efficace !
• Reprendre le chantier de la réforme bancaire. Nous ne pouvons pas renoncer à une régulation du secteur bancaire et de la finance. La 1ére loi bancaire a été une occasion manquée, sans levier pour le financement de notre économie. Elle doit être reprise sans tarder.
• Améliorer de façon sensible les conditions de vie des classes populaires et des classes moyennes. L’inflation zéro, qui justifie pour les beaux esprits les gels des pensions ou la pause des salaires, n’existe pas pour les travailleurs pauvres. Par la fiscalité, les retraites ou les salaires, les marges existent. Il faut les utiliser pour soutenir le pouvoir d’achat et la demande.
• Pousser, et encore pousser à la réorientation des politiques européennes. Cela nécessite d’être ferme vis-à-vis de Bruxelles car nous n’obtiendrons rien sans un rapport de forces minimum face à une technocratie qui oublie souvent la réalité de la vie quotidienne.
Et puis je plaide également pour que le gouvernement français mette un terme aux actuelles négociations sur le traité Transatlantique qui ne nous apportera aucun bienfait économique, mais qui aura des conséquences négatives pour l’écologie, la santé, la culture ou le droit du travail !
Bref, il nous faut faire preuve d’ambition et de cohérence mais aussi de courage, parce que la gravité de la situation du pays nous l’impose !
Et puis au-delà de ces mesures d’urgence, nous devons aussi porter un projet de société, qui pourra rassembler toute la gauche.
Je suis socialiste, et je veux le dire à mes camarades : les socialistes du 21ème siècle, ne peuvent avoir la déréglementation comme boussole comme on l’a vu trop souvent ces derniers mois. Il n’y a pas de victoire envisageable pour une gauche qui délaisserait le combat des valeurs.
La gauche peut se retrouver pour un nouveau modèle de développement. L’éco-socialisme doit devenir le visage moderne de cette nouvelle vision de la société qui prendra en compte à la fois les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, et qui nous permettra, comme le proclament à juste titre nos camarades du Front de gauche, de remettre l’humain au cœur des objectifs de la société.
Cette prise en compte réelle de la transition écologique, à laquelle nous aurons consacré tous les moyens nécessaires, nous permettra d’accéder à un gisement d’emplois qualifiés et non délocalisables, et de retrouver le chemin de la croissance, mais d’une croissance durable, qui en outre préservera notre planète
Un projet pour le futur devra intégrer également la nécessité de ne pas cesser de protéger les salariés devant l’accélération de la mondialisation, et donc de respecter le droit du travail, en l‘actualisant peut-être, sûrement pas en le détruisant.
Un projet pour le futur, c’est aussi le principe d’égalité et la mise en œuvre réelle des moyens pour l’atteindre. L’égalité pour les services publics, pour l’école, pour la santé, et cela quelques soient les territoires…et c’est d’ailleurs pour cela que je me suis par exemple battu pour sauver l’hôpital de Guémené-sur-Scorff. Beau combat que j’ai mené avec le maire, René le Moullec qui est avec nous ce soir, avec les syndicats, tout le personnel hospitalier…et toute la population du territoire !
Enfin, un projet pour le futur, c’est la rénovation de notre démocratie en renforçant notamment le pouvoir du Parlement pour que l’exécutif soit forcé de dialoguer avant toute décision qui engage l’avenir du pays. Rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.
Voilà quelques pistes que je voulais vous soumettre. Il y en a forcément d’autres. Et il y a surtout la nécessité de travailler ensemble pour affronter les mutations du monde en s’appuyant sur les valeurs qui sont les nôtres, qui sont celles de la gauche.
Rien n’est jamais certain, surtout en politique et 2 ans en avance ! La défaite n’est pas inscrite. Et quoiqu’il en soit la gauche doit survivre. Mais quelle gauche ? Celle de Blair ou de Shroeder ? Celle qui a force d’emprunter les mots de l’adversaire a fini par tellement lui ressembler ? Celle qui n’est plus aujourd’hui capable que de proposer des aménagements à la marge, des pansements sur les plaies ouverts du nouveau capitalisme financier ?
Non, je veux continuer à porter haut et fort les couleurs de cette gauche qui n’oubliera pas son histoire, ses valeurs, ses convictions, et qui saura aussi être efficace pour transformer réellement la société dans le sens du progrès.
Une gauche rassemblée qui sera cimentée par un contrat de majorité, qui reposera sur un projet partagé, et pas seulement sur des accords électoraux conclus à la hâte.
Alors, n’ayons pas peur de l’avenir. Changeons autant qu’il le faut, sans simulacre, sans nous renier, sans renoncer jamais à nos valeurs et à nos convictions. Mais changeons ensemble !